Devoir surveillé pour une quarantaine d'élèves de secondes.
Ils sont là prêts à en découdre avec le sujet que je leur ai trouvé ! Je le trouve beau ce sujet ! La prof est assez fière de le proposer à ses élèves. Pour un peu je gonflerais des chevilles...Ce serait très con : d'abord parce que je ne l'ai pas inventé, je l'ai trouvé dans un bouquin et surtout parce que la salle de DS est au dernier étage du bâtiment ! Alors monter les escaliers avec les chevilles enflées trop peu pour moi !
Je distribue le sujet avec un sourire, ils le regardent l'air perplexe ... je leur lance avec assurance mon jovial « bon courage »... d'ailleurs comme à mon habitude il figure en bas du poly avec un petit smiley qui sourit... et aujourd'hui ça colle plutôt bien à la question de réflexion à laquelle il vont devoir répondre :
Un livre peut-il apprendre à son lecteur comment être heureux ?
Bon courage 😊
« vous avez deux heures »
Soudain le doute ! pour moi, pas pour eux qui sont déjà en train de rechercher les mots clés...
Que vont-ils bien pouvoir répondre ? eux qui ne lisent plus vraiment. « Madame, le livre pour la rentrée il existe en film ? »
Je les regarde alignés devant le bureau, la tête lourdement posée sur une main et de l'autre noircissant par intervalles irréguliers leurs copies blanches . l'un éternue, l'autre soupire en lançant autour de lui un regard désabusé semblant dire « mais qu'est ce qu'elle a encore fumé pour nous pondre ça ! »
D'ailleurs le bonheur, savent-ils en quoi il consiste ?
Qu'est ce qui rend heureux quand on a 16 ans ? l'amour, l'amitié, la Playstation et les réseaux sociaux... on s'en branle de la lecture et à voir leurs têtes mon sujet ne leur apporte aucune source de béatitude !
A cet instant j'aimerais me lever et dire stop ! j'ai envie de provoquer un échange, de leur dire regardons notre année scolaire... Qu'avez-vous trouvé dans l'ensemble des textes étudiés qui vous ait touchés, émus, interpellés ?... préférez-vous l'expérience de Candide qui cultive son jardin ou le destin de Raphael qui brule sa vie comme peau de chagrin au rythme de ses désirs...Et moi... quelle définition donnerais-je du bonheur ? Que leur ai-je transmis de mes propres questionnements ? Leur ai-je permis d'élargir leur vision du monde ?
Leur ai-je permis de grandir, de se connaitre un peu mieux ?
Sont-ils capables d'exercer leur esprit critique pour comprendre que l'idée même du bonheur est personnelle, qu'elle se construit dans l'expérience, qu'elle évolue aussi...
Voilà le coup classique de l'arroseur arrosé : connerie de sujet qui provoque ma propre évaluation ! j'ai le seum comme ils disent ! J'aurais mieux fait de fumer, tiens !
(Bridg)