Après 14 ans de fidélité et d’amour, tu tires ta révérence et tu nous laisses comme des cons, perdus et attendant de te voir revenir, te dandinant avec nonchalance pour reprendre ta place. Mais cette fois on sait qu’on aura beau scruter à travers la fenêtre, la cour restera vide. C’est tout un pan de vie qui part avec toi, compagnon de tous les instants, les bons comme les mauvais. Je perds un ami, un confident, un membre de la famille.
Notre histoire a commencé sur un coup de foudre réciproque lorsque je suis venue te voir dans cet élevage du Pas-de-Calais, et c’est finalement toi qui m’as choisie, préférant un câlin à la gamelle sur laquelle se sont jetés tes frères et sœurs. Je te désirais tellement ! Comment ne pas craquer sur ta frimousse éclairée par le regard candide et doux que tu posais sur nous comme une caresse, comme une promesse d’amour sans condition. Comme il me manque ce regard brun couleur velours que je cherche vainement aujourd’hui en fixant ton tapis désespérément vide !
Alors pour chasser la douleur de ton départ, on évoque les souvenirs heureux que nous avons partagés avec toi : les claquettes dignes de Fred Astaire quand tu te mettais à piétiner sur le carrelage de la cuisine pour avoir une friandise ; les oiseaux que tu laissais picorer dans ta gamelle mais que tu cherchais à attraper lorsqu’ils passaient dans le ciel ; les tondeuses que tu ne supportais pas et qui te faisaient aboyer comme un damné obligeant le voisin à changer ses habitudes et horaires de tontes ; et ton copain hérisson avec lequel tu as souvent partagé ta niche !
Tu as comblé de bonheur notre quotidien. Comment allons nous le remplir sans toi ? Comment ne pas redouter le manque lors de ces balades dans lesquelles tu ne nous accompagneras plus ? Comment ne pas penser à toi dans chaque petit détail de cette vie réglée sur une partition à trois ? Évidemment nous allons boiter un moment avant de remarcher correctement. Tu vois mon Filou, si la vieillesse a rendu jour après jour ta marche plus difficile, c’est ton absence qui aujourd’hui rend la nôtre bien douloureuse.
Ce fut si difficile hier de prendre la décision de te laisser partir. On sait mais on refuse de l’admettre…et si demain ça allait mieux ? Pourtant il était inconcevable pour nous de te laisser dans cet état qui s’est si soudainement aggravé. Ta dignité était aussi importante que l’évaluation de ta souffrance. Alors on t’a laissé t’endormir, les yeux plongés dans les tiens, les mains autour de ton cou, pour t’accompagner comme tu l’as si bien fait pour nous.
Ce matin, après une nuit agitée de souvenirs, j’ai cherché la douceur et la chaleur de ton museau dans le creux de ma main, mais c’est dans mon cœur que je les ai trouvées. Elles y resteront à jamais.