Madame Bovary... Roman de Flaubert que j'ai découvert en première et qui a profondément ému l'adolescente fleur bleue que j'étais à l'époque. Moi qui dévorais les romans sentimentaux en véritable boulimique, voilà qu'il me semblait trouver en Emma un écho ( j'avoue un peu honteusement que j'étais accro à ces fictions guimauves que je trouvais dans la collection Arlequin et qui me faisaient rêver d'amour et de liberté tout en éveillant ma toute jeune sensualité... Plus claires ou plus sombres, j'ai un peu plus de nuances aujourd'hui ! )
Pauvre Madame Bovary, nourrie de lectures romantiques et qui se trouve prisonnière d'un quotidien qui l'étouffe ! Elle qui ne rêve que d'amour passionné et de paillettes, condamnée à subir une vie morne, sans surprise, auprès de son Charles de mari, si médiocre !
Se pose alors la question de la lecture et de son emprise sur l'imagination, de son impact sur la vie d'une femme qui dévore les romans sans prendre de distance avec eux et qui est immanquablement déçue par la médiocrité de sa propre existence !
Le procès qui fut intenté à Flaubert en 1857 condamne la dangerosité de ce roman particulièrement pour le lectorat féminin. Quoi ! laisser un tel exemple de perversion entre des mains de femmes ??? Le personnage d'Emma lui même ne démontre-t-il pas combien une femme est intellectuellement faible et impressionnable ? Car elle est coupable cette Emma Bovary ! Sa lecture naïve, émotionnelle, si caractéristique de la gente féminine, la pousse à confondre réalité et fiction, la rendant insatisfaite de sa vie et recherchant sans cesse le frisson de ses héroïnes romanesques. "Elle est folle", s'écrient les uns, "hystérique", renchérissent les autres...
Et si pourtant nous considérions que les lectures d'Emma ne sont pas la cause mais la conséquence de son insatisfaction ?
La médiocrité dans laquelle baigne Emma, celle de son entourage à laquelle elle voudrait échapper, confère à sa quête d'une autre vie, une certaine grandeur, un courage, une détermination, un anticonformisme et finalement une virilité qui la pousse à s'émanciper des carcans que la société lui impose...
(Bridg)
Jeune fille lisant de Franz Eybl (1850)
« Les femmes sont dangereuses, chacun le sait.
C'est écrit depuis la pomme... Eve la tentatrice, la sensuelle pécheresse.
On les peint nues, déesses, vénus callipyges ;
en fait c'est habillées qu'elles sont les plus sournoises.
Habillées et un livre à la main ! Car le livre est bien l'apanage de la tentation.
le danger du livre dans les mains d'une femme ?
La rendre savante ! Savante, et donc terriblement subversive.
Immobilisée par sa lecture, ouverte à son imagination,
au lieu de vaquer à ses occupations de mère-épouse-bonne à tout faire- objet...
Otez ce livre que je ne saurais voir, madame !
Si lascive, livrée aux pages que c'en est indécent!
Car elle ne lit pas au coin du feu avec les enfants,
mais dans les replis solitaires d'un canapé ou d'une chambre, rendez-vous compte !
Les femmes qui lisent sont dangereuses, vraiment ! »
(Commentaire meyeleb sur Babelio)
"Ce qui incombait aux femmes, c’était de broder, prier, s’occuper des enfants et cuisiner. Dès l’instant où elles envisagent la lecture comme une possibilité de troquer l’étroitesse du monde domestique contre l’espace illimité de la pensée, de l’imagination, mais aussi du savoir, les femmes deviennent dangereuses. En lisant, elles s’approprient des connaissances et des expériences auxquelles la société ne les avait pas prédestinées."
(Les femmes qui lisent sont dangereuses, de Laure Adler et Stefan Bollmann)